Il m’arrive d’y réfléchir.
Il m’arrive d’y songer.
En fait non, ce serait faire croire à des instants fugaces dans mon esprit. Or il n’en est rien.
Tu n’es pas une idée éphémère qui s’évanouit au simple bruit, s’évaporant à l’arrivée d’un évènement.
C’est mentir que de dire ou croire que mes pensées ne sont pas tournées vers toi.
Il n’existe pas un jour où je ne demande ce que tu pourrais bien dire, faire ou croire.
Il n’existe pas un jour où je ne me pose la question de savoir ce que tu savais en me regardant.
Il a manqué entre nous des échanges, je n’ai pas su te le demander, tu n’as pas su me le donner.
Et pourtant, et pourtant…
Ton âme me hante, elle m’habite depuis des années. Des décennies d’absence et de mélancolie.
Des mois où j’aurais voulu que tu sois là.
Des heures d’explications, d’engueulades, de réconciliations, mais aussi de rire. De longues minutes de silence dont tu avais le secret, mais où seule ta présence suffisait pour se comprendre.
Les mots n’expliquent pas tout. Tu étais de ceux dont le regard en dit plus long qu’un flot de paroles. Aux discours fades et sentencieux, tes yeux sombres préféraient pousser à l’essentiel.
Où es-tu maintenant ?
Vois-tu ce que nous sommes devenus ?
Assistes-tu à nos erreurs, nos errances, nos succès et nos réussites ?
Aurais-tu souscrit, aurais-tu approuvé à mots toujours couverts ?
Te serais-tu offusqué ou insurgé ; aurais-tu acquiescé ou te serais-tu enthousiasmé ?
Où es-tu ?
Tu n’as pas géré ta vie comme tous les autres. Tu as existé à ta façon, loin de beaucoup, éloigné des principes régissant la plupart. Tu n’as pas vraiment cherché à t’intégrer, sans toutefois vivre à la marge. Tel le spectateur assistant au divertissement de la vie. Théâtre ubuesque et grandiloquent. Tout juste as-tu, de temps à autre, applaudi ou pleuré discrètement pour signaler ton existence.
En avançant à ton rythme, tu as visiblement cherché à faire les choses sans idée de valeurs, ni bien ni mal, juste à les faire comme un automate bien entretenu, jusqu’au jour où la marionnette a décidé de n’en faire qu’à sa tête.
Probablement, on t’aura catalogué, voire condamné en égoïste.
Probablement l’as-tu été.
Mais pourquoi juger ce que l’on choisit d’être.
Tu as vécu, bien ou mal, aujourd’hui où es-tu ?
Il m’arrive, parfois, de croire voir ta silhouette, même de te croiser. Mais toujours je cherche à savoir : ce qu’ici j’ai vécu, subi ou décidé, l’as-tu vu ?
J’aurais souhaité ta présence discrète. J’aurais aimé ton regard froid et dur, dupe de rien, blasé de beaucoup de choses. Tes principes et tes rectitudes, jamais malhonnêtes. Ton introversion et tes pudeurs.
Où es-tu ? De ne pouvoir me répondre, de ne pouvoir calmer mes doutes et appréhensions, rien n’est possible pour noyer cet océan d’angoisses dans tes propres affres.
J’ai refusé, un temps, de te suivre, je n’ai pas accepté de cautionner tes actes, mais sais-tu qu’aujourd’hui tout ceci est jeté aux oubliettes de l’amnistie ?
Que cela ne compte plus et que seul l’amour reste, le sais-tu ?
J’aurais voulu te dire tout ça et bien plus encore. Mais peut-être le crois-tu.
Où es-tu ?
Dialogues-tu avec les anges ou converses-tu avec les démons ? En haut ou en bas, les amuses-tu avec ton humour à froid, la cigarette vissée au coin de tes lèvres fines ?
Sais-tu tout ceci ? As-tu oublié qui nous sommes ?
Ici c’est différent, forcément, mais pour moi, ton absence résonne à chaque instant. Ton départ n’est plus une date, cela ne l’a jamais été, ni même un jour. Juste le manque, cet appel sourd qui s’insinue à chaque coup de blues.
On ne dit jamais assez tôt les sentiments que l’on éprouve, on ne dit jamais assez ce qu’il faut qu’il soit dit.
Où es-tu maintenant ?
J’aurais tellement voulu que tu restes encore, un peu…